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Forcée de changer de nom

Décision justice

ats.renaissance devient chantal.ats

C’était avec joie et pleine d’énergie que je vous informais au mois de juin dernier que j’avais adopté pour mon activité le nouveau nom d’«ATSRENAISSANCES». Je vous écrivais alors que j’étais « arrivée au point où je voulais donner une nouvelle dimension à mon activité ». Je viens aujourd’hui vous annoncer avec beaucoup de tristesse, de déception et de frustration que j’ai été contrainte de prendre la décision de limiter l’usage de ce nom.

Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir effectué ce changement de nom dans les règles. Je l’ai bien inscrit à la Chambre des Métiers et j’ai déposé une demande de dépôt de marque auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Il faut savoir que l’INPI est un établissement public à caractère administratif entièrement autofinancé. Bien entendu ces démarches m’ont coûté de l’argent.

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Toujours est-il qu’après avoir déposé cette demande de dépôt de marque j’ai rapidement reçu un courrier émanant d’un grand cabinet juridique français spécialisé dans la validation de marques qui me mettait en demeure d’abandonner le nom de « ATSRENAISSANCES». Ce cabinet représente un docteur affilié à un grand groupe qui élabore, produit et commercialise un grand nombre de produits de beauté et cosmétiques. Parmi tous ces produits il y en a cinq qui incluent le nom commun « renaissance » dans leur appellation.

Ce cabinet juridique me fait savoir que le mot « renaissance » appartient à leur client. Imaginez vous, un nom commun est en fait propriété d’une entreprise privée à but lucratif ! Le cabinet argumentait qu’il y avait  une similarité entre les produits du docteur et les services de salons de coiffure que je propose.

Je décide de me défendre et demande l’aide d’une avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle tout en sachant bien que c’est le pot de fer contre le pot de terre. L’avocate et moi même constatons qu’au cours des treize dernières années, au nom de ce docteur, ce cabinet juridique a régulièrement mis en demeure de nouvelles entreprises qui, inscrites à l’INPI, utilisaient, seul ou inclus dans un ensemble, le mot « renaissance » comme logo. Il est à remarquer que dans ses jugements, à chaque fois, l’INPI a donné un avis favorable à ce cabinet juridique en faveur de son client.

D’un commun accord, l’avocate et moi, et malgré le peu de chance d’arriver à nos fins, décidons de poursuivre l’action. Pour moi il s’agissait de défendre ce que je créais : « ATSRENAISSANCES ». Il n’était pas question de baisser les bras et d’abandonner une partie de moi même, même si je savais que les chances d’aboutir étaient des plus faibles. En mon âme et conscience il fallait que je fasse tout ce qu’il m’était possible de faire pour défendre ce que je suis. C’était une question d’intégrité. J’ai repris la devise de Guillaume d’Orange à mon compte

« Il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. »

Notre argumentaire reposait d’une part sur le fait que, contrairement à ce docteur, je n’élabore ni ne fabrique aucun produit cosmétique et de beauté. Mon activité se résume à offrir des services. Il n’y a donc pas de similarité ni de complémentarité entre les produits de ce docteur et mon offre de services. D’autre part nous avons souligné le fait que le nom des cinq produits du docteur inclus le seul mot « renaissance » alors que ma marque est constituée d’un vocable « ATS » en position d’attaque auquel est accolé le terme « RENAISSANCES» afin de constituer un acronyme. Les trois lettres d’attaque « ATS » correspondant à l’initiale ainsi qu’aux consonnes du milieu et de la fin de mon nom de famille. Cette adjonction du vocable «ATS» au vocable « RENAISSANCES » ayant pour effet d’atténuer fortement la perception  du terme «RENAISSANCES», le laissant en fait en seconde place. Dans ces conditions, nous argumentions qu’il n’était pas possible de conclure à une similarité conceptuelle entre les signes des deux marques.

Fort de ces arguments nous concluions que l’absence de similitude entre les produits du docteur et mes services, associée à la très faible similitude entre les signes des deux marques, écartaient tout risque de confusion dans l’esprit du public. En conséquence de quoi nous demandions à l’INPI que l’opposition formulée au nom du docteur par le cabinet juridique soit rejetée.

Quelques temps après avoir réceptionné notre argumentaire, l’INPI nous a fait savoir qu’elle avait décidé que l’opposition formulée par le cabinet juridique au nom du docteur était justifiée et que ma demande d’enregistrement de la marque « ATSRENAISSANCES » était partiellement rejetée. L’INPI justifiait cette décision sur le fait, je cite, que « Les produits et services de la demande d’enregistrement objets de l’opposition sont identiques et/ou similaires à certains produits de la marque antérieure », et qu’au niveau des signes « La demande d’enregistrement contestée constitue l’imitation de la marque antérieure, dont elle apparaît comme une déclinaison ».

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Profondément choquées et attristées par cette décision de l’INPI, ils nous a fallu, à l’avocate et moi, décider de la suite à donner à cette affaire. Deux alternatives possibles : poursuivre et se retrouver au tribunal quitte à avoir des dommages et intérêts à payer aux opposants ou nous soumettre et renoncer au moins partiellement au nom « ATSRENAISSANCES ». Il faut savoir que dans ce type de litiges les tribunaux basent majoritairement leur verdict en conformité avec les décisions de l’INPI. Nous avons pu vérifier que ceci a été le cas dans les contentieux opposant le docteur à de nouveaux dépositaires de marques utilisant le mot « Renaissance ».

Les frais déjà engagés plus ceux potentiellement nécessaires à la poursuite de l’affaire et les chances quasi inexistantes d’obtenir un verdict en notre faveur, nous ont décidées à ne pas poursuivre.

Comme je l’ai vérifié et comme vous pouvez le vérifier facilement grâce à Internet, il existe dans de nombreuses villes françaises un salon de coiffure ou de beauté  dénommé « Renaissance » ou un composé de ce nom. Comment cela est-il possible après ce que je viens de vivre ? C’est tout simplement que ces entreprises n’ont pas jugé nécessaire de passer par l’INPI. Pourquoi ai-je voulu passer par l’INPI et aller jusqu’à débourser de l’argent pour suivre cette démarche ? Parce que j’ai voulu faire les choses honnêtement et dans les règles. Mal m’en a pris.

Comme vous pouvez l’imaginer, en plus de l’argent dépensé, j’ai passé beaucoup de temps et d’énergie sur cette affaire. Comme pour toute expérience vécue, d’autant plus si elle a un goût quelque peu amer, il est bon d’en tirer les enseignements. D’une part  pour ne pas commettre deux fois la même erreur et aussi pour informer ceux qui s’engagent sur cette voie et leur éviter de commettre ces mêmes erreurs.

Tout d’abord je pense qu’il est primordial avant de déposer une demande de marque auprès de l’INPI de consulter un avocat. Ce que je n’ai malheureusement pas fait. C’est uniquement lorsque j’ai du me défendre que j’ai cherché l’aide d’un avocat. Ceux que j’ai consultés m’ont tous informés que si je les avais vus avant de faire mon dépôt ils m’auraient conseillée de ne pas faire de demande de dépôt de marque à l’INPI. C’est d’ailleurs ce qu’ils conseillent dans quatre vingt dix pour cent des cas qui leur sont soumis.

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Ceci s’explique en partie par le fait que, comme je l’écrivais au début de cette actualité, l’INPI est un établissement public à caractère administratif entièrement autofinancé. N’y a-t-il pas difficulté à être d’une part un établissement public qui par définition est là pour le bien de la collectivité, et d’autre part être autofinancé, c’est à dire obtenir son revenu des prestations et services que l’on commercialise ? N’y a-t-il pas là deux systèmes d’incitation qui n’ont a priori aucune raison de fonctionner suivant la même logique. Dans le premier système on est dans le cas de l’établissement public qui fonctionne pour assurer une mission d’intérêt général. Dans le deuxième système on est dans le cas d’un établissement qui s’autofinance en vendant ses services. Est-ce que l’intérêt général peut réellement être servi par un établissement qui tire ses revenus par la vente de ses services ? J’en doute. Une situation d’autant plus problématique que ce même établissement publique a le pouvoir de statuer et de prendre des décisions qui ont une influence déterminante sur les décisions ultérieures de la justice.

Dans le cas concret qui nous occupe, l’établissement public avait une forte incitation à me vendre un service, (demande d’enregistrement de ma marque), pour contribuer à son autofinancement. Sans que pour autant cela l’empêche dans un deuxième temps de prendre une décision qui allait à l’encontre du service qu’il m’avait vendu. Par la même l’INPI ne se fait-il pas juge et partie ? C’est une question que je me pose et que je vous pose.

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Résultat : Il y a des établissements juridiques qui vivent en partie de cette confusion et de cette contradiction institutionnelle. Elles œuvrent pour des entreprises installées et puissantes qui par là parviennent régulièrement à s’octroyer des droits même sur les noms communs de notre langue. Ce qui a pour effet que, comme le conseille neuf fois sur dix les avocats, la majorité des nouveaux entrepreneurs ne déposent pas leur marque à l’INPI. Une situation qui entretient le flou et l’arbitraire. Cette affaire m’aura coûté beaucoup de temps, d’énergie et de moyens, sans compter la fatigue et le stress. Autant de ressources qui auraient du être consacrées au développement de mon activité professionnelle indépendante.

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